Beaucoup de chiots aiment naturellement le contact. Pas tous, mais beaucoup (mais j’insiste, pas tous). Cet apparente appétence pour les contacts au plus jeune âge fait que l’on ne pense pas toujours à travailler ce point précis, parce qu’il ne semble pas poser de problème. Jusqu’à ce qu’on se rende compte que parfois, on va devoir passer de contact innocent à manipulation (pour les soins vétérinaires, par exemple), de contact choisi à contact imposé par la vie (pour mettre le harnais, par exemple). Et là, ça coince parfois. Je vois d’ici la surprise du chien comme du maître, la première fois que l’on va devoir mettre Toutou dans la baignoire parce qu’il s’est roulé dans une m…, que l’on va devoir lui couper la griffe qu’il s’est arrachée, lui mettre des gouttes dans les yeux parce qu’il s’est pris une branche en courant ce matin, le brosser pour lui enlever tous les grattons qu’il a chopés dans les champs, ou la première fois qu’on se rend compte qu’il n’apprécie que moyennement (et à juste titre) le gamin de la voisine qui vient de lui attraper les poils, malgré tous vos efforts de surveillance…
Bref, il y a contact… et contact !
Un contrat de confiance
La première chose à apprendre au chien, avant de tomber sur un os (pour parler poliment) qui va nous obliger à le manipuler, c’est donc que l’on va respecter son envie de contact, et surtout son envie de ne plus en avoir. Adieu, gros câlins en attrapant toutou par le cou, papouillage intempestif et shampoing aux doigts ! Bonjour, respect, délicatesse et gratouillage des fesses (qui est bien moins intrusif et permet au chiot de s’en aller facilement). Le nombre de chiots que l’on voit se tortiller dans les bras, et que l’on maintient parce que « dis donc, c’est pas toi qui vas décider quand tu descends ou pas » ou parce que, plein de bonnes intentions, on estime qu’il « faut bien qu’il s’habitue », ou encore parce qu’on ne voit même pas qu’il est mal à l’aise !
Apprenez à repérer les signes de malaise chez votre chien. Ils peuvent prendre plusieurs visages, bien avant le grognement : le chiens cherche à partir, il respire fort (ce qui peut aussi être un signe de bien-être. Eh oui, tout est toujours complexe…), il est figé, il est ratatiné sur lui-même, il s’arrête à un bras + 10 cm de vous quand vous l’appelez, il se dérobe…
Donc, cela peut paraître paradoxal, mais habituer le chien au contact, c’est avant tout lui apprendre qu’il n’est pas obligé d’en avoir. Qu’il a une porte de sortie. Plus il sait qu’il peut s’en sortir, plus il appréciera. Tout comme je me laisse bien volontiers masser par un/une inconnu.e dans un salon de massage parce que je sais que je pourrai lui dire si c’est trop fort, ou m’en aller si ça ne me convient pas. Par contre, le même massage, si le gars ou la fille commence à m’attacher les pieds et les jambes à la table et à fermer la porte à clé, même s’il est toujours très sympa et n’a en fait aucune mauvaise intention, hein, je ne sais pas, je vais moins apprécier…
Vérifier qu’on a le consentement
Avoir le consentement du chien, c’est vraiment très important. Cela va lui donner confiance en vous, confiance dans le fait que si c’est trop, il pourra vous le dire. Et du coup, l’aider à devenir bien plus tolérant par la suite, car il n’aura pas peur d’être pris au piège. Il y a des techniques qui demandent un entraînement, comme sur cette vidéo. Mais d’autres ne demandent aucun apprentissage. La base est de laisser le chien venir à vous (vous pouvez prendre une posture qui l’invite, un ton gentil etc) plus que vous ne veniez à lui. Plus il a le choix, plus il appréciera et viendra facilement.
La règle des 5 secondes est aussi parfaitement accessible à tous. Il suffit d’y penser, surtout quand on a un chiot qu’on ne connaît pas encore bien. L’idée est de caresser et papouiller votre chiot 5 secondes, puis retirer carrément les mains et voir s’il en redemande ou pas. S’il s’en va, on arrête. S’il remet sa tête sous votre main ou se colle à vous, on continue. S’il reste sans bouger, dans le doute, j’arrêterais. Jusqu’à ce que vous vous connaissiez assez bien pour savoir si c’était juste du bonheur et de la flemme de bouger, s’il tolérait vos caresses, mais n’appréciait pas forcément, ou carrément s’il était trop pétrifié/inhibé pour bouger.
Sur cette vidéo, je vais plus loin en rendant le chien vraiment acteur de ses soins.
Ici, je laisse à Yopp la possibilité de me dire quand il a besoin de souffler. Bien sûr, il sursaute. Bien sûr, il se décale un peu. Bien sûr, il a un peu peur. Mais à chaque fois, il me redonne le signal quand il est prêt. Moi aussi, à sa place, j’aurais mal et un peu peur. Le but n’est pas qu’il ne bronche pas d’un pouce alors que je triture ses chairs à vif, le but est simplement qu’il souffle et me donne le go.
Des associations positives
Je vous conseille aussi de profiter des premiers mois du chien pour lui montrer que les manipulations, c’est chouette ! « Tripotez » le gentiment et délicatement, tout en lui donnant des friandises ou en utilisant un « tapis de lèche » (nos amis de cani-gourmand vendent un tapis que l’on peut ventouser à la baignoire pour occuper le chien , par exemple). Attention, les manipulations doivent être très brèves et vous devez être attentifs au moindre signe d’inconfort pour arrêter (toujours dans l’idée du contrat de confiance). Passez vos mains sur des zones que l’on n’a pas l’habitude de caresser : les pattes, la queue, les oreilles, les gencives. A chaque fois, soyez très calmes et positifs, sans maintenir le chien, récompensez-le abondamment avec de la BONNE nourriture (un « c’est bien » suffit rarement pour associer une émotion positive, surtout chez le chiot, qui n’a pas encore une relation forte avec vous). Allez y micro-pas par micro-pas. Je ne saurais trop insister sur l’importance d’y aller progressivement ici pour ne pas casser la confiance.
Pour la brosse, par exemple, habituez-le tout d’abord à l’objet, puis vous pouvez la passer avec les poils en l’air. Ensuite, un petit coup de brosse, une friandise, et on arrête. Etc. Fonctionnez pour tout comme ça, l’air de rien, gentiment. Peu à peu, le chien associera les contacts, même étrange à quelque chose de sympathique. A condition qu’on ne le force pas.
Sur cette vidéo, j’utilise le fameux “lickmat” (tapis de léchage), un peu pour occuper Yéti, mais surtout pour positiver l’instant du brossage. Attention, Yéti a l’habitude, je brosse donc “franco”. Pour un chien débutant, il faudrait y aller vraiment pas à pas.
Associations positives, respect du chien, consentement, c’est la base même de ce qu’on appelle le “medical training”. Si vous voulez en savoir plus, je donne un cours en ligne (3, 2, 1, véto) sur le sujet, où vous serez guidés pas à pas dans toutes sortes d’exercices avec une grande variété de méthodes. C’est idéal pour un chiot !
En résumé, les manipulations, ça n’est inné ni pour le chien ni pour le maître, contrairement à ce qu’on pourrait croire. Ca paraît simple, mais pas tant que ça. L’important est de ne pas forcer pour instaurer la confiance.
Souvenez-vous de
- laisser la possibilité au chien de s’en sortir (règle des 5 secondes)
- bien l’observer pour repérer les signes d’inconfort
- positiver au maximum les interactions, même celles qui vous semblent évidentes