Non, non, vous n’êtes pas dans un article de Femme Actuelle, mais bien sur un blog d’éducation canine ! Pour une fois, sortons un peu des chiens (mais pas vraiment, en fait) pour nous intéresser à une expérience de rééducation intéressante. Le cobaye étant… moi-même ! Sans vouloir « étaler ma life », je vis dans le bazar depuis des temps immémoriaux. J’ai toujours entendu ma mère me dire de ranger ça ou ça, de faire attention où je mets mes clés, mes chaussures, mais il n’y a rien à faire, si j’ai quelque chose en main, je le pose n’importe où, et j’ouvre la porte à mon ami le bazar. Mais quand je dis « bazar », c’est bazar, quoi ! Des affaires partout, des piles, des monticules de vêtements, chaussures, papiers, stylo, friandises pour chiens, ustensiles de cuisine… Tout ça posé en vrac sur tous les plans de travail disponibles. Et bien qu’une fois par semaine, je refasse place nette pour faire le ménage (quand même !), c’était plus fort que tout, comme une force de la nature, un tsunami irrépressible : le foutoir revenait à la vitesse d’un cheval au galop. Je dis « revenait », car je crois (je dis bien, je crois) que je suis en train de gagner une bataille vieille de plus de 30 ans ! Il y a quelques mois, j’ai décidé de me rééduquer. Ca tombe bien, c’est un peu mon métier, l’éducation, non ? Si j’arrive à faire adopter le bon comportement à un chien, pourquoi je n’y arriverais pas avec moi ? Et si on fonctionnait pareil, les chiens et nous (ça ce n’est pas une question, en fait. Qu’on le veuille ou non, tous les animaux apprennent grâce aux mêmes mécanismes) ? Pour en avoir le cœur net, une seule solution, adopter la même rigueur et la même « positive attitude » qu’avec les chiens !
Rendons à Cesar ce qui est à Cesar, je me suis inspirée pour ça au départ des méthodes éducatives de ma maman (incroyablement moderne dans ses choix pour l’époque) et des connaissances en « tag teach » que j’ai acquises il y a un ou deux ans après une discussion avec Cynthia Edelman, de Magic Clicker. Le dernier stage avec elle (elle est aujourd’hui formatrice en tag teach) a été la dernière pièce à mon édifice, et a fini de me convaincre que oui, c’est possible ! Alors avant tout, merci maman, merci Cynthia, merci le « monsieur » qui a inventé le tag teach, s’il existe.
Le tag teach, c’est quoi ? Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à suivre les stages très intéressants de Cynthia ou d’autres formateurs tag teach, ou à vous rendre sur internet pour trouver plus d’info. Pour simplifier, je vais juste dire que c’est une méthode qui consiste à récompenser chaque bon comportement, petite étape par petite étape, jusqu’à ce qu’on arrive au comportement final désiré. C’est une méthode utilisée par certains coaches sportifs aux Etat-Unis, mais qu’on peut facilement appliquer à la vie de tous les jours.
Cela fait bien longtemps que j’utilise une méthode à base de renforcement positif (récompenses) sur moi-même. Quand j’étais toute petite, déjà, ma maman nous faisait pour l’Avent un joli parcours avec un petit mouton à épingler. Dès qu’on estimait, ma sœur et moi, qu’on avait fait une bonne action (nous étions nos propres juges), notre mouton avançait sur le parcours. Bien sûr, c’était la course à la bonne action pour arriver la première au bout du parcours (c’était ça, la récompense : la fierté de gagner la course). Ca n’était pas encore vraiment du tag teach, mais ça en prenait la voie.
Bien des années plus tard, il y a peut-être 6 ou 7 ans, j’ai eu un petit coup de mou dans ma motivation à faire mon métier d’éducateur canin. Le contact avec des clients difficiles me décourageait parfois. Alors j’ai décidé de ressortir le mouton de ma mère (qui s’est transformé en petit chien aimanté sur mon frigo). A chaque fois que j’allais chez un client jugé « difficile », j’avais le droit de monter mon petit chien sur une étape de mon frigo. Au bout de 10 étapes, j’allais m’offrir un gâteau à la boulangerie. Ca ne rendait pas le client moins difficile, mais plus j’avais de client comme ça, plus j’avais de bon gâteaux : ça valait le coup ! Là encore, pas tout à fait du tag teach, mais simplement du renforcement positif.
Ce n’est qu’il y a quelques mois que je me suis mise vraiment au tag teach, dans le but de me rééduquer à ranger mon fameux foutoir. Pour cela, j’ai dû mettre en place des étapes préalables.
- Première étape préalable : aménager l’environnement pour rendre ce but atteignable. J’ai fait de la place dans mes placards et créé des rangements afin de pouvoir caser ce cher bazar.
- Deuxième étape préalable: créer un outil pour quantifier mes « bonnes actions ». J’ai fabriqué un tagulator, outil de prédilection du « tag teach » : un petit boulier où je peux baisser les perles pour compter les bons points. Au bout de 10 perles, je monte mon chien d’un cran sur le frigo, au bout de 20 crans (cf troisième étape)… (pour créer un tagulator, suivez ce lien !)
- Troisième étape préalable : choisir une récompense qui me motive et que je puisse obtenir régulièrement. Pour ça, j’ai demandé à une personne extérieure (encore ma maman !) de participer à mon effort. Quand mon petit chien a grimpé ses 20 crans sur mon frigo, elle m’offre quelque chose qui me fait plaisir et que je ne me serais pas offert, pour un modique budget de 5 euros (en ce moment, des bonnes dosettes de latte macchiato pour ma machine à café. Mais ça peut être un gâteau, un sirop, un pot de bonne confiture, etc) Eh oui, je suis très « bouffe » !
Nous voilà prêts pour me rééduquer et fixer des objectifs !
Premier objetcif : il doit être simple, atteignable et quantifiable. J’ai choisi « enlever quelque chose du plan de travail de ma cuisine ». Chaque fois que j’enlève quelque chose du plan de travail (et donc que je le range quelque part, mais au début ça marchait même si je le posais autre part), je baisse une perle. Au bout de 10 perles, je monte le chien d’un cran, etc… Peu à peu, bien sûr, il n’y avait rien à enlever, alors le critère était “enlever du plan de travail” ou “mettre un objet à sa place (au lieu de le poser en vrac sur le plan de travail)”.
Et là, magie… Au bout de quelques semaines, il s’est passé quelque chose qui m’a permis de comprendre pourquoi je mettais le bazar. Non pas que je ne voulais pas ranger, mais je ne me rendais pas compte que je posais des choses ! Après environs 15 jours à virer des objets de mon plan de travail, j’ai commencé à REALISER que je posais des objets, à saisir le moment où ma main lâchait l’objet sur le plan de travail ! Et à partir de là, tout était bien plus simple ! Comme ma vraie récompense est en réalité la satisfaction d’avoir un plan de travail net, une fois que j’ai pris conscience de mon geste, j’ai peu à peu arrêté de poser des choses. Parfois, hop, une cuillère sale apparaissait comme par magie sur le plan de travail, mais je n’avais plus qu’à l’enlever et à baisser une perle. Et peu à peu, je n’ai plus ressenti le besoin ni l’envie de baisser de perles. Une fois que j’avais PRIS CONSCIENCE de mon geste, ça n’était plus une corvée de ranger.
J’ai pu passer à mon 2e objectif : mettre mes vêtements dans le placard.
Et hop, je fais un deuxième tagulator (afin de conserver quand même celui de la cuisine en cas d’oubli), et à chaque fois que je vais poser mes vêtements par terre ou sur mon lit, paf ! Je me rappelle que j’ai bien envie de baisser une perle pour avoir un gâteau, et je le mets dans le placard (pour baisser une perle). Cette fois-ci c’est allé plus vite. En une semaine, j’avais pris le réflexe.
Tagulator suivant ! Maintenant, j’ai 4 tagulators, pour 4 actions différentes : un dans la cuisine pour enlever un objet du plan de travail, un dans la chambre pour ranger mes vêtements dans le placard, un dans l’entrée pour ranger mon sac et mes chaussures dans le coffre, et un à la salle de bain pour prendre mon médoc du matin, que j’oublie régulièrement.
Et ce qui est fou, ce n’est pas tellement que ma maison est en ordre (enfin pas encore, j’ai encore le bureau et le salon à régler), c’est surtout qu’elle le reste, et que CA ME DEMANDE DE MOINS EN MOINS D’EFFORTS, alors que c’était une véritable corvée de ranger, et j’étais totalement incapable d’empêcher le bazar de revenir !
Il s’est vraiment passé une modification dans mon cerveau, et j’ai du mal à comprendre moi-même comment ça pouvait être si difficile de ranger, avant… A tel point que je commence (un peu, un tout petit peu) à ranger des trucs qui traînent dans mon bureau, alors que je n’ai pas de tagulator dans le bureau ! Ranger est devenu une récompense en soi ! (enfin, je m’emballe peut-être un peu, mais ça en prend la voie)
Un jour, j’enlèverai bien sûr mes tagulators, mais je les garde en place pour l’instant, car je pense qu’il va falloir des mois pour que le comportement s’ancre vraiment, mais je constate déjà que le fait de baisser la perle (et le gâteau qui en découle) n’est plus la motivation principale. Souvent j’oublie de la baisser, mais le geste de ranger reste. Enfin, je suis quand même contente d’avoir ma petite récompense une fois par mois environs ! Attention, je ne crie pas victoire, et je m’attends à une rechute au premier changement de vie… Je reste vigilante ! « Je m’appelle Yannick et je suis bordélique… Bonjour, Yannick ! »
Bref, tout ça pour dire que la science, ça marche (car oui, le tag teach, c’est tout simplement une application de la science de l’apprentissage) ! Je vous invite à essayer sur vous, vos enfants (vos chiens !).
Quelques impératifs pour que ça marche tout de même :
– trouver une récompense vraiment motivante (ça peut être la satisfaction d’avoir réussi pour certains, mais pour d’autres, il faudra peut-être quelque chose de concret, au moins au début)
– fixer des objectifs simples et atteignables (« ranger sa chambre », c’est trop vaste, par exemple. Cela demande trop de comportements différents. Mais « ranger les jouets dans le coffre », ou « faire son lit », ça passe ! Ce sont les premières étapes de « ranger sa chambre »)
– Fixer des objectifs positifs et pas négatifs (c’est-à-dire faire une action, et non pas « ne pas faire une action » ou « arrêter une action », car « ne pas faire », ce n’est pas quantifiable. Par exemple, pour arrêter de fumer, on ne peut pas récompense chaque minute où on ne fume pas…)
Enfin, voici des idées de rééducations simples, mais utiles : accrocher ses clés au piton à clés, prendre ses médicaments, regarder son agenda le matin, fermer la porte de placard qui reste toujours ouverte, se laver les dents, faire son lit, etc.
A vous de jouer !