J’avais envie de commencer un petit glossaire des idées reçues sur les chiens, et pour ça, quoi de mieux que d’ouvrir le bal par LA bêtise la plus colportée et la plus universellement acceptée, à l’origine d’un nombre incalculable de morsures et de bagarres : “si mon chien remue la queue, c’est qu’il est content”…
Eh bien, au risque d’en décevoir plus d’un, ce n’est pas vrai. Enfin, pas forcément vrai, en tous cas. Il y a plein de façons de remuer la queue, qui ont toutes un sens différent. En règle général, la queue qui remue exprime une émotion assez forte, mais pas forcément positive. C’est comme ça qu’on entend à longueur d’année “Je comprends pas, il est fou, ce chien. Il s’est battu, et pourtant, il était content de voir son copain, il remuait la queue !”

Là, Yéti remue légèrement la queue, mais je peux vous dire que ce n’est pas une invitation au jeu !

Prenons quelques exemples :

– Mon chien voit un autre chien : sa queue est haute et remue très vite par de petits mouvements : il est tendu et dans l’expectative. Il ne sait pas trop à quoi s’attendre, mais ça le stresse. Ca peut partir dans un sens ou dans l’autre, en fonction de la réponse du chien d’en face. En général, ça s’accompagne d’une tête haute, regarde fixe, parfois couinements, oreilles très droites, posture figée…

– Mon chien voit une chienne. Il a les yeux exorbités et sa queue tourne assez vite sur elle-même, façon hélico. Il est amoureux et est en train de draguer !

– Mon chien voit quelqu’un qu’il aime bien. La queue est horizontale ou haute (dans la position de son port naturel, en fait), et fait d’amples mouvements bien marqués et de gauche à droite. Bon, d’accord, là c’est qu’il est content !

– Mon chien rencontre un autre chien. Il a la queue basse, rentrée entre ses jambes, et l’extrémité bouge très rapidement. Il a un peu la trouille et est en train de dire à l’autre chien qu’il (lui-même, pas l’autre chien)  n’est qu’un misérable vermisseau inoffensif.

– Mon chien est très sociable et rencontre une personne qu’il ne connaît pas. Il remue la queue comme un malade, tout le corps bouge avec, prend des postures basses en gigotant, et léchouille dans le vide. Alors là, il est content, mais il montre sa soumission avec tellement d’emphase que ça révèle aussi un peu de stress (c’est la spécialité de la Pampa). Quand la queue bouge vraiment très très fort et entraîne tout le corps, c’est une façon tellement exubérante de montrer sa joie que ça peut dénoter un certain malaise, c’est une manière d’évacuer le stress et de dire qu’on vient en paix, alors qu’il ne faut pas nous faire de mal.

Et il y en aurait encore plein comme ça…

Alors comme vous le voyez, la queue, ça ne sert pas juste à dire “content/pas content”. Le chien a des émotions complexes et la queue n’est qu’un élément pour exprimer ces émotions.
Pour comprendre ce que le chien nous raconte avec sa queue, il faut d’abord la considérer dans un contexte : comment est le reste du corps ? Haut ? Bas ? Tendu ? Souple ? Comment est le port de tête, d’oreilles…
Ensuite, il faut s’attacher à deux choses :
– La hauteur de la queue. En règle générale, plus la queue est haute, plus le chien est/se veut grand, fort et sûr de lui. Plus il se la pète, quoi.
– La fréquence du battement. Un battement plus rapide évoque souvent une tension plus forte.

Le port de queue naturel de Pampa, quand elle a vu quelque chose d’intéressant. La queue bat lentement.
queue haute
Le port de queue de Pampa quand elle voit une chienne qu’elle n’aime pas. La queue remue légèrement et très vite.

Ces deux éléments mis ensemble donnent déjà un aperçu de ce que le chien raconte (une queue basse qui remue vite, c’est très différent d’une queue haute qui remue vite, qui est elle-même très différente d’une queue horizontale qui remue lentement, etc…). En y ajoutant le reste de la posture du chien (regard, oreilles, corps…), on commence à avoir une vision plus claire de ce que le chien exprime.

Enfin, pour finir de vous convaincre de l’importance de la queue chez le chien, voici une étude que le professeur en psychologie Stanley Coren a publié sur son blog :

“long fouet vs fouet court et la communication canine” (le fouet, c’est l’autre nom de la queue…). Merci à je-ne-sais-plus-qui, mais qui se reconnaîtra, qui avait mis cet article sur son facebook ou une liste de discussion d’éducateurs…
http://www.psychologytoday.com/blog/canine-corner/201202/long-tails-versus-short-tails-and-canine-communication
Un résumé en bref:
Observation de 431 rencontres entre chiens en liberté (tous de plus de 45 cm au garrot) parmi lesquels 76% de “longues queues” et 24% de queues coupées (moins de 9 cm)
382 (88%) sont amicales et 49 (12%) présentent un élément agressif (de la mimique à l’attaque)
Cependant dans 26 incidents, soit 53% des cas, un chien à queue courte est impliqué, ce qui est un fréquence double par rapport à la population générale.
Pour éliminer toute cause dépendant de la race, Steven Leaver et Tom Reimchen de l’Université Victoria en Colombie Britannique ont fabriqué un “faux chien” ressemblant à un labrador. Lorsque ce faux chien remue un queue longue, les autres chiens l’approchent amicalement, lorsqu’il tient sa queue longue dressée immobile, les autres chiens l’évitent. Mais lorsque le même faux chien a une queue courte, qu’il la remue ou pas, les autres chiens l’approchent avec précaution et méfiance.
En conclusion: certes, les chiens à queue coupée peuvent utiliser d’autres éléments du langage corporel, mais qu’il est clair qu’un chien à queue coupée part avec un handicap de communication qui peut amener à des problèmes lors des rencontres.