Je vais un peu vous parler de Yéti dans cet article, mais le but n’est pas ici de vous raconter ma vie. Ce n’est qu’un exemple pour vous montrer à quel point le temps peut nous aider dans la relation et le travail avec notre chien. Quand je parle de moi, ici, je parle aussi de vous, ou du futur vous.

J’ai souvent coutume de dire que pour connaître vaguement son chien, il faut minimum 6 mois- 1 an de vie commune. Mais quand je dis minimum, c’est vraiment minimum ! Et ce, qu’on ait eu le chien à 2 mois ou à 2 ans.

Le chien, lui, vous connaît bien avant que vous ne le connaissiez. Son métier, sa vie, c’est de vous observer. Il connaît vos moindres gestes, vos moindres habitudes, vos moindres signaux. En bon mentaliste, il sait prédire vos actions avant même que vous ne les commenciez, presque comme s’il lisait dans vos pensées (plus exactement, il lit dans vos intentions, dans vos micro gestuelles et micro attitudes). Bref, nos chiens connaissent mieux les humains que nous ne connaissons nous-mêmes notre propre espèce…

Le monde dans l'œil d'un chien...
Le monde dans l’œil d’un chien…

Il faut quand même quelques mois au chien pour arriver à lire en nous. N’oublions pas qu’au départ, nous sommes deux inconnus de deux espèces différentes ! Mais nous, combien de temps nous faut-il pour arriver à lire en lui, à prédire ses moindres réactions ? Souvent quand on a un chien d’un an à un an et demi, on a l’aime comme un membre de la famille, on est profondément attaché à lui, on a l’impression de l’avoir depuis des années, de le connaître par cœur. Et pourtant… On se rend compte quelques années après qu’on le connaissait très peu.

Pour moi, le bel âge, chez le chien, c’est 4-5 ans (quand on l’a eu petit ou vers 1 an). Parce que 4 ou 5 ans, c’est peut-être le temps qu’il faut au chien pour mûrir, mais c’est surtout le temps qu’il nous faut, à nous, pour vraiment le connaître, le comprendre, communiquer quasiment par la pensée.
Et 4 ou 5 ans, c’est aussi le temps qu’il nous faut, quand on fait un sport avec son chien, pour développer une gestuelle précise et compréhensible pour notre partenaire. C’est le temps qu’il lui faut pour développer son équilibre et sa coordination.

Premiers footstalls de Yéti en 2011. Pas tout à fait fluide !
Premiers footstalls de Yéti en 2011. Pas tout à fait fluide !

5 ans, c’est l’âge de Yéti (elle aura 6 ans en aout 2014). Et en ce moment, je peux dire qu’on se régale ! Pour des raisons administratives, il nous a fallu tout ce temps pour commencer les concours, et je pense que finalement, c’est une bonne chose ! J’ai cette impression d’être parfaitement en phase avec elle. Ne croyez pas là que je me vante ou que j’estime qu’on sorte du lot ! C’est juste un constat tellement agréable, que beaucoup d’entre vous on dû connaître ou connaîtront dans quelques années.

Ca ne veut pas dire qu’elle obéit au doigt et à l’oeil et fait toujours ce que je lui dis, bien sûr ! Ca veut simplement dire que, quand on travaille ensemble en frisbee, en obé-rythmée ou en agility, on est ensemble, c’est tout. Elle saisit le plus petit de mes signaux (ce qui m’oblige à être particulièrement consciente de ces signaux et précise dans mes intentions), et je sais comment elle réagit.
Je sais qu’en concours, sur le bord du terrain, on dirait une vieille mémé de 15 ans, mais qu’elle va se réveiller sur le terrain. Je sais qu’elle est très gourmande mais qu’elle est maintenant capable de rester concentrée même s’il y a de la nourriture au sol. Je sais qu’elle tourne large mais qu’elle sait tourner court si je le lui demande correctement. Je sais qu’elle a un temps de réaction avant le twist et que je dois avoir une demi-seconde de contact visuel ou auditif avant (ou simplement dire “Yéti” par la pensée). Je sais qu’elle saute tout en longueur et que je dois adapter mes lancers pour les vaults et les over. Elle sait comment je cours, ce que j’exprime quand je piétine, quand un soubresaut d’épaule lui souffle de tourner, elle sait quand mes yeux disent de ralentir, quand je pense qu’elle doit remonter dans la voiture, quand c’est son tour de manger, quand je ne veux pas qu’elle coure après la balle d’un autre… Elle sait tout ça, et je sais tout ça, parce que ça fait maintenant 5 ans qu’on travaille ensemble, et qu’après 5 ans de tâtonnement, de doutes et d’erreurs, on a vu suffisamment de situations différentes pour savoir comment on réagit mutuellement.

Cette compréhension mutuelle, ça veut dire une chose : quand je suis concentrée et que je communique vraiment avec elle (et pas quand je me récite ma choré ou mon parcours dans ma tête ou que j’écoute la musique au lieu de prendre contact avec mon chien), elle est avec moi, elle réagit au quart de tour, et on fait quelque chose de très propre. Si (et seulement si) je me concentre et que je communique correctement, je peux avoir 100 % confiance en mon chien !

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De mon côté, j’ai quand même quelques progrès à faire. Je me fais encore un peu surprendre par sa réactivité, son écoute, et j’ai encore tendance à anticiper ou exagérer certains signaux alors qu’il ne le faudrait pas. C’est comme ça qu’à mon dernier concours d’agility, j’ai poussé Yéti à tomber de la table. Elle allait sortir à toute allure du tunnel et il fallait que je la ralentisse un peu pour ne pas qu’elle arrive trop vite sur la table et risque de retomber de l’autre côté. Mais au lieu de simplement penser “ralentis” et laisser mon corps et mon intention lui indiquer ça, j’ai insisté comme s’il s’agissait d’un jeune chien, j’en ai trop fait, j’ai pensé trop fort “stop” avec mes deux mains devant moi en frein psychologique. Sur les vidéo, cette gestuelle n’est pas si explicite, mais Yéti, elle, a bien saisi le message. Du coup, elle n’a pas simplement ralenti, elle s’est quasi arrêtée, et a cru que je ne voulais pas qu’elle monte. Finalement, voyant mes yeux qui lui disaient monte, elle est montée, mais est retombée en arrière car elle n’avait plus assez d’élan.

C’est juste un petit exemple pour vous montrer qu’un chien de 2 ans, ça ne se “conduit” pas comme un chien de 5 ans, qui ne se conduit pas comme un chien de 12 ans. Avec Pampa, j’avais aussi cette fiabilité quasi sans faille, ce confort de n’avoir qu’à me concentrer sur mon corps et mon chien, sans en faire des tonnes, sans m’occuper de l’environnement. Puis je l’ai perdue petit à petit. En vieillissant, ses sens sont devenus flous, sa motivation et sa concentration aussi, et me revoilà comme quand elle était petite à accentuer bien mes gestes pour qu’elle les reconnaisse. Ca a son charme aussi !

 

Pampa à 4 ans, une vraie petite championne
Pampa à 4 ans, une vraie petite championne

Tout ça pour dire que si vous avez quelques échecs ou des doutes avec votre chien de 1, 2 ou 3 ans (surtout si c’est votre premier chien), c’est simplement normal ! Vous ne le connaissez pas encore très bien, il ne vous connaît pas encore non plus, et si c’est votre premier chien, vous ne maîtrisez pas encore bien votre corps et vos intentions. L’environnement et les gestes parasites perturbent votre jeune chien, et ça vous perturbe ; et si vous êtes perturbés, vous perturbez votre chien, etc. Courage, si vous persévérez et que vous travaillez régulièrement avec votre chien, encore quelques années et vous connaîtrez ce nirvana, cette complicité absolue dans les activités communes !