Un proverbe chinois que j’aime bien : “Patience ! Avec le temps, l’herbe devient du lait”

La mouvance actuelle, et on ne peut que s’en réjouir, est de sortir du “assis-couché” pour aller vers des activités plus ludiques et variées. Je suis la première à
encourager cet état d’esprit.  Sauf qu’il ne faut pas oublier une chose : avant d’aller faire des super balades en montagne en vtt, on a appris à faire du tricyle, puis du vélo avec des
roulettes, puis du vélo sans roulettes avec son papa qui tenait la selle et sa maman qui nous encourageait au bout du chemin (enfin, ça, c’est surtout dans les pubs ou les fims
américains…).

Tout ça pour dire… Patience ! Petit à petit, l’oiseau fait son nid. Rome ne s’est pas faite en un jour. Qui trop se hâte reste en chemin. Rien ne sert de courir,
il faut partir à point. La patience est amère, mais son fruit est doux.

Je suis lourde ? Non, à peine…

Maîtres pressés, apprentissage bâclé : 13 mois d’insouciance pour 13 ans de galère

Un petit exemple parmi tant d’autres pour tâcher de vous montrer à quel point cela vaut le coup de prendre patience et de ne pas brûler les
étapes.

Je conseille toujours à mes clients de garder leur chiot ou leur nouveau chien en longe (voire de le laisser courir avec la longe qui traîne au sol) tant qu’il n’a
pas un rappel sûr à 90 %. Or, quand je les revois 15 jours après, ils ont la plupart du temps déjà abandonné la longe ! Parce que ce n’est pas pratique, parce que le chien peut moins bien courir,
parce que ça traîne par terre et que c’est sale… Je sais que c’est pénible. Moi-même, je suis passée par là. La preuve sur cette vidéo de Yéti, quand je l’ai adoptée et qu’elle s’appelait
encore Tchikky. J’aurais très bien pu lui enlever la longe, car elle me suivait bien et revenait assez bien au rappel, mais elle l’a gardée au moins un mois, le temps qu’elle comprenne que
“Viens”, c’était une invitation sympathique, mais une invitation OBLIGATOIRE et INSTANTANEE !

 

 

 

 


En pratique, voilà ce qui se passe quand on supprime prématurément la longe : le chien renifle une odeur. Le maître le rappelle. Le chien ne vient pas. Là, trois
choix :

– soit le maître continue à rappeler gentiment, voire part dans l’autre sens, et le chien apprend
qu’il peut continuer de renifler aussi longtemps qu’il le veut et qu’il a tout son temps pour revenir (mais bon, c’est mieux que rien)

– soit le maître vient le chercher et le chien apprend que quand il ne revient pas, on lui court
après, et c’est vachement drôle. Ou alors qu’on l’attrape et que ça vaut le coup de rester à bonne distance.

– soit le maître se fâche et le chien apprend qu’il ne vaut mieux pas revenir, sinon ça
barde.

Alors qu’avec une longe, on lui aurait simplement fait lever le nez de son odeur pour lui montrer que quand on appelle, il FAUT revenir, sinon on est dérangé. Et
quand on revient, on est félicité. Le maître n’a pas eu besoin de s’énerver, puisqu’il avait un moyen d’agir.

C’est simple, facile à comprendre, facile à mettre en oeuvre… Et pourtant…  Le hic, c’est que ça demande de la patience. Ca demande de l’exigence et de la
rigueur sur le long terme. Ce sont trois semaines ou trois mois de pleine attention, alors qu’on voudrait se promener tranquillement et laisser son chien plus libre. Trois semaine ou trois mois
de rigueur, mais si on les rate, on en prend pour 10 ans de galère et de stress avec un chien qui ne revient qu’une fois sur deux et qu’on ne lâche pas autant qu’on voudrait parce qu’on n’a pas
confiance.

La boulimie d’apprentissage

Deuxième cas de figure. Quand on a un chiot, on a envie de tout lui apprendre. On voudrait faire plein de choses avec lui : le lâcher, s’amuser, lui faire faire des
tours. C’est une bonne intention, mais avant de jouer à lui apprendre à donner la patte ou à faire le mort, peut-être vaudrait-il mieux jouer à lui apprendre à venir quand on l’appelle ou à
s’arrêter quand on lui dit “stop”. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas s’amuser avec un chiot, mais avant de lui remplir la tête de toutes sortes de choses, peut-être faudrait-il se
concentrer sur le fait de bâtir une relation solide, basée sur le respect et la confiance mutuels. Votre chien vivra 11 à 15 ans, voire plus : vous avez tout le temps de lui apprendre des
choses rigolotes ! Ne grillez pas toutes vos cartouches avant l’âge de 2 ans !

A un an, certains chiens qui ont une excellente capacité d’apprentissage connaissent déjà plus de 30 tours. Qu’est-ce qu’ils feront à 5 ans ? Ces chiens
sur-stimulés trop tôt risquent de devenir des boulimiques de l’apprentissage, jamais rassasiés, jamais satisfaits, limite hyperactifs. Ou alors des chiens stressés, toujours sous tension, un peu
robotisés, car ils n’auront pas
vraiment appris à s’amuser, mais à enchaîner des ordres. Avec ce genre de chiens, qui
possèdent une réelle finesse d’apprentissage, peut-être faudrait-il se concentrer sur la qualité, pour pouvoir délayer la quantité dans le temps. Je m’explique : mon chien sait faire 5 tours.
Plutôt que de lui en apprendre 5 autres, peut-être pourrais-je vérifier que ces 5 tours, il est capable de les faire en toutes circonstances (sur une place de marché, dans la forêt, au milieu
d’autres chiens). Je pourrais lui faire faire une chorégraphie basée sur ces 5 tours, est-il capable de les enchaîner avec fluidité et avec plaisir ? Et si je commençais à diminuer l’intensité de
mes signaux pour lui faire faire ces tours : au lieu de faire un grand geste, je le diminue peu à peu jusqu’à ce qu’il devienne presque imperceptible pour tous, sauf pour mon chien…

Voici un exemple avec Pampa. Elle sait évidemment très bien faire “assis-couché”, mais j’ai décidé de reprendre ce travail avec plus de précision sur son
positionnement et sa rapidité d’exécutionet en donnant des indices moins évidents. Pampa , contrairement à Yéti, ne fait pas partie des chiens qui apprennent très vite. C’est une chienne qui a du
mal avec le langage et fonctionne surtout par gestes. J’esssaye donc d’estomper les gestes peu à peu.

Ca vous semblera sans doute simpliste, et c’est volontairement que je partage cette vidéo toute bête avec vous, justement pour vous montrer qu’on peut toujours
améliorer quelques détails. N’importe quel chien qui pratique l’obédience  exécute évidemment mieux cet exercice que Pampa, mais c’est quelque chose que je n’avais jamais ressenti le besoin
de travailler aurapravant.
Aujourd’hui, je n’en ai toujours pas besoin, mais c’est pour le plaisir d’affiner un peu ses apprentissages. Résultat, on a l’impression d’apprendre quelque chose de totalement nouveau. On n’en est qu’au début de ce travail. Pampa aura 9 ans en janvier, et on a encore plein de choses
à apprendre ou à affiner !


Une dernière précision : sur cette vidéo, on a un peu l’impression que je l’ai tabassée ou plaquée au sol pour qu’elle se couche ! Tout a été fait en 100 % positif et sans manipulation, en ne
récompensant que les “couchés” les plus rapides. Du coup, elle se jette par terre, mais comme elle hésite encore entre exécuter un “couché” et un “sur le dos” (je rappelle qu’elle n’est pas très
forte pour comprendre les mots), on dirait qu’elle se plaque comme si je l’avais martyrisée !

 

 

 

 

 

Bref, en faisant ça, je privilégie la qualité à la quantité, c’est une façon de pouvoir se garder plein de cartouches en réserve tout en assouvissant les besoins de
son chien.

Le culte de la performance

Troisième cas de figure : on se fixe un objectif (par exemple, apprendre à son chien à poser un objet dans une boîte ou à franchir un parcours d’agility), et on
brûle les étapes…

Pour ne pas faire un article trop long et ne pas trop mettre votre patience à l’épreuve, je vous invite à suivre la suite au prochain épisode !