Le secret, pour que le chien fasse ce qu’on a envie qu’il fasse, c’est qu’il ait envie de faire ce qu’on a envie qu’il fasse !

Dans la vie, tout est une question de choix. Le chien peut choisir de faire ce qu’on demande ou de faire autre chose. Votre job, en tant qu’éducateur, c’est de faire qu’il choisisse la solution que vous aussi, vous avez choisie.

Comment faire, me direz-vous ?

C’est simple, enfin du moins en théorie. Il faut lui montrer que seul le “bon” choix est intéressant pour lui (car je vous rappelle que le chien choisira toujours la solution qu’il trouve la plus intéressante). Je pourrais vous donner toute une série d’exercices à faire pour l’aider à faire le bon choix au quotidien, mais n’oubliez pas, tout ça ne doit pas être que de simples exercices, mais une vraie philosophie, presque un art de vivre.

Voici un petit jeu tout bête que l’on fait souvent avec les chiots, ou avec un chien que l’on vient d’adopter. J’en fais même souvent un test lorsque je dois choisir un chien, pour voir à quel point il est prêt à collaborer avec l’humain et à quel point il est prêt à réfléchir.

Prenez une croquette dans la main, et tendez-la au chien. Lorsqu’il s’approche, fermez la main, mais ne la retirez pas. Tant que le chien vous lèche la main ou vous harcèle pour avoir la croquette, tenez bon. Ne râlez pas, ne gigotez pas, ne lui dites pas “non”. Laissez-le découvrir par lui-même que ce n’est pas “le bon choix”. Dès qu’il fait un pas de recul, vous regarde ou s’assied, marquez votre contentement par un “oui”, “yes”, ou ce que vous voulez (mais il est important de marquer le contentement avec un mot ou un son précis, qui deviendra en soi un renforcement), et ouvrez la main pour qu’il puisse manger.

Ici, qu’est-ce que le chien apprend, finalement ? Qu’essayer de trouver sa propre solution tout seul et sans faire attention à nous ne sert à rien. Ca le mène à l’échec, il ne réussit ni à avoir sa croquette, ni à avoir de l’attention de notre part (puisque, je vous le rappelle, vous n’êtes pas censés gigoter, dire “non”, etc). En revanche, réfléchir et collaborer l’amène à chaque fois à la réussite. C’est facile, c’est rigolo, c’est récompensant. Ca vaut le coup d’essayer de faire un truc AVEC son humain, et pas MALGRE son humain.

Pampa et Yéti ont le choix. Elle me regardent et je leur donne vite accès à la gamelle, ou elles regardent la gamelle et elles devront attendre !
Pampa et Yéti ont le choix. Elle me regardent et je leur donne vite accès à la gamelle, ou elles regardent la gamelle et elles devront attendre !

Lorsque je fais faire cet exercice aux gens, beaucoup me disent “mais bien sûr, il a le refus d’appât”. Et ils me montrent fièrement (et à raison, car c’est un apprentissage réussi) que s’ils demandent au chien de laisser, le chien laisse. Et c’est très bien !

Mais ici, c’est différent. Je vous rappelle que le plus important dans cet exercice est de ne pas donner l’ordre “laisse”, “pas toucher”, “non”, etc. On ne lui demande pas de laisser, donc de se plier à un ordre. On lui demande de réfléchir, d’analyser les conséquences de ses actes, et de chercher à collaborer avec nous, à faire le bon choix : celui qui nous rendra heureux, et qui donc aura des répercutions positives sur lui.

Malheureusement, cet exercice peut être biaisé sur un chien adulte qui peut être inhibé par les centaines de fois où on lui a demandé de laisser, et donc ne pas oser se lancer. “Obéir” par défaut, mais plus par inhibition que par choix. C’est pour ça que c’est un très bon exercice à faire avec un jeune chien ou un chien vierge de toute éducation.

Ensuite, on peut faire évoluer cet exercice en posant les friandises au sol, pied ou main dessus, puis on retire le pied ou la main si le chien n’insiste pas, etc. Il existe tout un tas de variantes, de plus en plus complexes, applicables dans la vie de tous les jours. Par exemple :

– j’ouvre la porte ; si tu te précipites, la porte se referme. Si tu attends, la porte se rouvre.
– je te sers ta gamelle ; si tu te précipites, la gamelle remonte. Si tu attends, elle redescend.
– je te propose un jouet que tu n’aimes pas trop (typiquement, pour motiver son chien à jouer au frisbee s’il n’apprécie pas vraiment le plastique) ; si tu le prends, tu gagnes ton jouet préféré. Si tu le refuses, tant pis, on ne joue pas.
– on est dans le salon, à ne rien faire ; tu vas dans ton panier, tout le monde s’extasie et au moins une personne va te caresser (si tu aimes les caresses), tu restes au milieu du salon, personne ne fait attention à toi.
– tu as trouvé un gros truc à manger dehors ; si tu le ramènes, tu gagnes un truc meilleur, ou tu gagnes le droit d’aller tranquillement boulotter ton trésor une fois que j’ai vérifié qu’il n’était pas dangereux. (par opposition à “tu as trouvé un truc dehors, je te pourchasses pour te l’enlever de force, et donc tu as bien appris à te sauver dès que tu manges un truc”)

Pampa a bien mérité de grignoter la tête de ragondin qu'elle m'a rapportée. Miam !
Pampa a bien mérité de grignoter la tête de ragondin qu’elle m’a rapportée. Miam !

C’est comme ça que j’ai appris à mes chiennes à me ramener les dizaines de cochonneries qu’elles trouvent à manger dehors tous les jours (à condition qu’elles soient “rappotables”, bien sûr). C’est fou ce qu’on trouve à manger, quand on n’est pas trop exigeant ! Au bout d’un moment, le simple fait de ramener a été tellement renforcé et encouragé que même si je n’ai rien à donner en échange, ou juste une bonne partie de jeu ou autres grosses félicitations, elles me le ramèneront quand même. Attention, bien sûr, si cet énorme effort n’est pas assez souvent récompensé, voire est même sanctionné par le fait de devoir abandonner systématiquement son gain, elles finiront par préférer avaler le plus rapidement possible leur trouvaille… Elles feront le choix le plus intéressant pour elles !

Yéti a trouvé une baguette de pain. Elle choisit de me la ramener.
Yéti a trouvé une baguette de pain. Elle choisit de me la ramener.

Mais on est là déjà à une étape bien avancée. Le tout premier exercice est fondamental pour que vous et votre chien compreniez ce que veut dire “coopérer” (opérer ensemble, travailler ensemble, faire ensemble).

Ceci n’est que le premier pas d’une longue randonnée, qui vise à montrer au chien que s’il fait un effort, c’est tout bénef pour lui, on fait aussi un effort. C’est gagnant-gagnant. S’il ne fait pas le bon choix, en revanche, la solution qu’il a choisie ne lui apportera rien, il devra en choisir une autre, puis une autre, puis une autre, jusqu’à ce qu’il en trouve une qui marche. Et celle qui marche, tiens donc, c’est justement celle que vous attendiez de lui. Ca alors, quelle coïncidence !