Dans cet article, je parle au “je” car je vous livre un petit bout de ma vie et de ma personnalité, mais j’imagine que Florent, qui est un modèle de calme et de sang froid avec les chiens, aurait pu le co-signer !

Un jour, il y a bientôt 9 ans, Alain Lambert, qui m’a formée avec patience à l’éducation canine, m’a offert un très beau livre sur… La Colère.

Ce cadeau était un clin d’œil assez “subtile” qui avait le double objectif de me rappeler

1/ que (selon lui) j’étais (j’ai dit “j’étais”) quelqu’un d’assez colérique. Je dirais plutôt impatiente, nerveuse, sensible et peu sûre d’elle. Mais j’avais d’autres qualités, hein !

2/ que la colère était et devait être l’ennemi numéro un de l’éducateur canin.

J’étais d’accord avec lui à l’époque, et je le suis encore plus aujourd’hui.

Les chiens ont été pour moi d’excellents professeurs, voire d’excellents psy, car il est en effet impossible d’être un éducateur canin efficace si l’on se laisse emporter par son impatience et sa colère. Si je voulais faire ce métier, il allait falloir que je travaille sur moi…

9 ans après, je travaille encore tous les jours sur mon impatience, et lorsque je me lance dans un apprentissage complexe et de longue halène pour mes chiennes, je m’écris toujours un plan de route afin de ne pas brûler d’étapes (voir l’article sur la patience). Vous trouverez à la fin de l’article une vieille vidéo qui vous montre les étapes d’un apprentissage complexe, et les solutions face aux erreurs des chiennes (je le mets à la fin, sinon ça va vous couper dans votre lecture et l’article vous paraîtra trop long !)

Quant à la colère, je dois dire que c’est une musique qui ne fait plus du tout partie de mon répertoire (d’éducateur canin, pas d’être humain. Je n’ai pas encore atteint ce degré de perfection, malheureusement…).

Et finalement, c’est venu assez naturellement. Sans tant d’efforts que ça à fournir. Pourquoi ? Parce qu’en fait, quand est-ce qu’on cède à la colère ? La plupart du temps, c’est quand on est impuissant et qu’on ne sait plus quoi faire à part se mettre en colère (solution d’ailleurs relativement inefficace, vous l’aurez remarqué tout seul…)

Je rappelle mon chien. Il ne vient pas. Je ne sais plus quoi faire. Je me mets en colère.

Je dis à mon chien de rester dans son panier. Il en sort. Je ne sais plus quoi faire. Je me mets en colère.

Mon chien tire sans arrêt sur la laisse. Je ne sais plus quoi faire. Je me mets en colère.

Alors, aujourd’hui, pourquoi est-ce que je ne mets plus en colère ? Parce que je sais quoi faire ! J’ai une solution ! Et je sais que je sais quoi faire ! J’ai suffisamment confiance en moi pour ne plus craindre le sourire sardonique de certaines personnes qui jugent que je mets un peu trop de secondes à “obtenir ce que je veux d’un chien”. Car je sais aussi (contrairement à ces personnes) que parfois, la solution ne sera pas immédiate, mais qu’elle finira par aboutir.

Un de mes souvenirs les plus cinglants, c’est quand, stagiaire éducatrice à la SPA, je devais faire une démonstration avec un chien à peine sorti de son box et le faire rester sur son tapis malgré les distractions alentour.Au bout de 45 secondes, c’était la panique. Certains chiens étaient évidemment bien plus intéressés par l’environnement et la liberté que par ce que je leur racontais. Panique, humiliation, énervement, regard de l’autre… échec (ou pas, car finalement, j’y arrivais la plupart du temps, mais j’en gardais un sentiment d’échec, car j’avais mis plus de 45 secondes à “me faire obéir”). Et Alain de me répéter : “Ne te presse pas. Prends ton temps. Ce n’est pas le temps que tu vas mettre pour y arriver, qui compte. C’est comment tu vas y arriver”.

Aujourd’hui, je sais toutes les astuces que peut utiliser un chien pour éviter de se plier à ce qu’on lui demande. Lorsque ça arrive devant un client, au lieu de me morfondre, j’explique simplement ce que le chien est en train de faire, et ce que je vais faire pour l’inciter à aller dans mon sens. Finalement, ces chiens filous qui me stressaient tant quand je n’avais pas toutes les cartes en main, ils me font aujourd’hui sourire et je m’émerveille devant leur inventivité !

photo True Dog www.true-dog.fr

Photo True Dog : true-dog.fr

Deuxième chose que j’ai apprise, c’est qu’un chien n’assimile pas forcément les choses en 2 minutes. Lorsque je fais un exercice simple et que le chien n’y arrive pas au bout de 30 secondes, je vois parfois (souvent, même) le maître qui se met à ricaner, non pas pour se moquer directement de moi, mais parce que ça l’amuse de voir son chien qui “tient l’éducateur en échec”. Mais ne pas réussir à faire quelque chose immédiatement, ce n’est pas un échec. Il faut le temps que le chien comprenne, qu’il essaye ses propres solutions. Parfois c’est très rapide, parfois moins. Je le sais et ça ne me panique absolument plus de mettre 30 secondes, 5 minutes ou 20 minutes (ce qui, en réalité, n’arrive jamais) à obtenir quelque chose d’un chien. Il y a 9 ans, je trouvais ces 5 minutes éternellement longues. Aujourd’hui, j’explique au maître pourquoi cela prend du temps, que ça prendra le temps que ça prendra, mais qu’on atteindra le but fixé. Et c’est systématiquement ce qui se passe. Une fois informé, le client rigole moins, me trouve moins ridicule et apprend lui aussi que ce n’est pas la peine de s’énerver au bout de 2 minutes (remarquez que le maître de base s’énerve plutôt au bout de 25 secondes. 25 secondes lorsqu’on rame et que l’on croit que l’on n’y arrivera pas, c’est déjà assez long. Faites le test…)

Alors voilà à quoi ça sert, un éducateur canin. A vous donner les cartes pour ne pas paniquer, donc ne pas vous mettre en colère. A vous guider, vous orienter, vous fournir les clés qui vous permettront de comprendre pourquoi votre chien agit ainsi, et comment faire pour l’inciter à agir comme vous le souhaitez. Un éducateur canin ne va pas dresser votre chien, il va vous fournir une boîte à outils qui vous permettra de ne jamais être à court d’idées, de toujours avoir une solution (à court ou moyen terme) sous la main, de ne jamais vous mettre en colère. Quand, au lieu de vous énerver, vous réfléchirez pour trouver une solution (et que vous la trouverez), là, votre éducation sera achevée  ! Car vous le savez, c’est bien de votre éducation qu’il s’agit !